Symboliques

samedi 14 juillet 2007

Sachez décrypter les couleurs du temps

Les couleurs ont une histoire, correspondent à des codes sociaux et se permettent des retournements de sensu « Le Dictionnaire des couleurs de notre temps » en donne les clefs !

L'ARGENT n'a pas d'odeur, mais a-t-il une couleur ? Oui, et même plusieurs, affirme Michel Pastoureau, dans l'inattendu Dic­tionnaire des couleurs de notre temps. Longtemps confondu avec le métal, l'argent était associé à l'argenté et au doré. Aujourd'hui, il l'est au vert, la couleur du dollar.

Mais pourquoi le vert ?

Parce qu'il est, depuis le Moyen Age, couleur de la fortune, la déesse des caprices du destin, de la chance ou de la malchance. Par extension, le vert devient, à la Renaissance, le symbole des joueurs : les tapis de jeu, l'argent qu'on y gagne puis, par assimilation, la banque et la finance (parler de « Banque verte » serait-il un pléonasme ?).

Avec la monnaie électronique, l'argent va-t-il perdre sa couleur ? C'est peu probable, car l'électro­nique est également associée au vert, symbole de rapidité, de flui­dité et de mutation. Mais, là en­core, pourquoi ? Parce qu'elle est, chimiquement et symboliquement, la plus instable des couleurs.

Les goûts et les couleurs ne se discuteraient pas. Michel Pastou­reau s'est heureusement affranchi de cette maxime. Avec ce Dictionnaire des couleurs de notre temps, il nous offre une centaine d'entrées sur les couleurs, leur si­gnification, leur histoire et leurs usages : du jaune au feutre, du noir au délavé, du caméléon au drapeau français, du Code de la route à la moutarde...

Sa lecture invite aux digressions ludiques. Pourquoi, par exemple, le titre de certains magazines est-il bleu ? Ecartons d'emblée les hypothèses les plus farfelues : référence à la vierge (depuis le XIIème siècle), à la paix (ONU, Unesco...), au froid (l'actualité est « chaude «), à l'eau, au romantisme et à la mé­lancolie (le blues, le jeune Werther et Novalis). Le bleu est simplement la couleur préférée de plus de la moitié de la population occi­dentale, devant le vert (20 %) et le rouge (10 %).

Ce dictionnaire était risqué, nous prévient l'auteur, car « il faut étudier les mutations, les dispari­tions qui affectent tous les do­maines de la couleur historiquement observables : le lexique, la charrie des pigments, la teinture des étoffes, les codes sociaux, les moralisations des hommes d'Eglise, les spéculations des hommes de science, les préoccu­pations des hommes de l'art N. Mais Michel Pastoureau s'acquitte avec brio de cette tâche, en nous offrant des analyses concises et pleines d'esprit, qui procurent le même bonheur que jadis les My­thologies de Roland Barthes.

A lire également pour décoder les couleurs de la mode : au Salon Première vision, qui vient de s'achever à Paris, ont été dévoilées les couleurs de l'hiver 1993-1994. Les bleus (encore), l'anthracite, les camaïeux de verts, de roses violacés et de rouges se­ront en vedette. Bon à savoir.

Toutes les réponses à vos questions

  • Quelles sont aujourd'hui nos couleurs préférées ? Celles que nous n'aimons pas ? Celles qui nous rendent mala­des ? Celles qui nous apaisent ?
  • Comment la couleur peut-elle être thérapeutique ? polluante ? vulgaire ?
  • Une robe jaune est-elle vraiment jaune ?
  • Marron est-il toujours synonyme de brun ?
  • L'adjectif orange prend-il un s au pluriel ?
  • Les bonbons à la menthe verts sont-ils plus doux que les blancs ? Pourquoi le code de la route fait-il un usage immodéré du rouge ?
  • Depuis quand le bleu marine est-il la couleur vestimentaire la plus portée ?
  • Comment le vert des pharmacies est-il devenu celui des bennes à ordures ?
  • Qu'est-ce qu'une couleur baie, amarante, isabelle, gorge-de-pigeon, caca-dauphin ?
En tentant de répondre à ces questions (et à beaucoup d'autres), ce dictionnaire, à la fois savant et débridé, met en valeur la place immense occupée par la couleur dans nos sociétés contemporaines. Il souligne en outre combien celle-ci est un phénomène culturel, étroitement culturel, rebelle à toute généralisation, sinon à tout discours.

Spécialiste des emblèmes, des couleurs et des codes sociaux, Michel Pastoureau est directeur d'études à l'École prati­que des hautes études (Sorbonne, IVe section), où il est titulaire de la chaire d'histoire de la symbolique occidentale.

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Fabrice Retailleau Concepteur Redacteur PUB WEB MD @ 14:36